Éditions GOPE, 12.6 x 18.4 cm, 340 pages, ISBN 979-10-91328-31-9, 18 €

Traduction : Marie Armelle Terrien-Biotteau

lundi 3 juillet 2017

Hong Kong : Gweilo, récit d’une enfance hongkongaise ou le monde d’avant la Rétrocession

 Alors que le monde – enfin, surtout la république populaire de Chine – a célébré en liesse le 20e anniversaire de la rétrocession de l’ancienne colonie britannique à l’Empire du milieu ce 1er juillet, il nous a paru bon de revenir au temps d’avant (et non à celui « béni des colonies »), au temps où un petit garçon prénommé Martin découvrait Hong Kong à l’aune de ses 7 ans, en 1952. Gweilo, Récit d’une enfance hongkongaise (1952-1955) est paru en 2016 aux éditions Gope sous la plume de Martin Booth et grâce à la traduction de Marie Armelle Terrien-Biotteau.

Des tramways sur l’artère de Hennessy Road sur l’île de Hong Kong en 1950. (Crédit : AFP PHOTO / PANA).

Dans ce récit à la première personne, l’auteur anglais, Martin Booth (1944-2004), un poète, romancier, biographe et éditeur nous fait partager sa mémoire d’un Hong Kong bien vivant où ses pas le portèrent en 1952 suite à l’affectation de son père auprès de la marine britannique. Et c’est un Hong Kong insoupçonné qui s’ouvre alors à nous, car comme le dit si bien l’auteur dans sa préface :

« A dire vrai, je n’ai jamais complètement quitté Hong Kong, ses rues, ses collines, ses vallées boisées, ses myriades d’îles et ses rivages déserts si familiers au garçonnet de 7 ans que j’étais, curieux, parfois retors, audacieux et inconscient des dangers de la rue. (…) Tout ceci n’est guère surprenant – Hong Kong fut mon chez-moi ; c’est là que j’ai passé mon enfance, c’est là que sont mes racines et c’est là que je suis devenu un homme. »

Il ne s’agit pas ici d’un roman d’apprentissage au sens strict du terme puisque l’auteur ne nous fait part « que » de ses sensations – et la tâche est déjà colossale ! Mais on sent bien poindre entre les lignes de son récit un sentiment diffus mêlant la découverte d’un « nouveau » monde patiné de la perte d’un « ancien » qui le guide vers une remise en question des usages, vers une définition de ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas.

Au travers de ce récit, c’est un monde daté et mort – celui de la vie à Hong Kong au cœur des années 50 – qui nous est donné de voir, mais aussi et surtout celui d’un jeune homme blanc qui vit dans un monde chinois. A ce titre, on ne peut que sourire à l’évocation de son arrivée à l’école nommée « Kowloon Junior » et surtout du trajet pour s’y rendre. C’est à l’occasion de ces anecdotes que l’on apprécie le sens du détail et surtout la mémoire vive de l’auteur qui se souvient avec précision du trajet depuis son logement, le Forseas Hotel sis au 75 Waterloo Road à Kowloon jusqu’à la cour de l’école. Ainsi, c’est en autant de découvertes et de déconvenues qu’un monde s’ouvre à nous, un monde avec ses codes de conduite tacites aussi marqués que l’uniforme du père du narrateur ou que la place dont jouit sa mère dans la « bonne » société coloniale.

Enfin, c’est aussi bien sûr un pan de l’histoire de la région qui nous est ici conté avec ses soubresauts, ses particularismes et ses aspérités – la différence entre le Kuomintang et les communistes semble d’ailleurs assez ténue pour un jeune garçon anglais fraichement débarqué de la capitale de l’Empire britannique.

Au final, ce pan d’histoire se résume presque entièrement à la définition du terme « Gweilo », mot d’argot cantonais qui se traduit littéralement par « pâle individu » mais qui suggère plutôt un fantôme ou un diable. Car c’est bien comme un fantôme livré à lui-même dans le cours du temps que nous découvrons en compagnie du jeune Martin Booth un Hong Kong vivant, multiculturel, multicultuel, bigarrée, triste et joyeux, difficile et merveilleux ; véritable terrain de jeu incessant pour un garçon aux yeux ouverts (et à la langue bien pendue).

Antoine Richard, Asialyst

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